Leyla, Gabriel, Mara.
Lourd. Il y avait quelque chose de lourd dans l’air ce soir. Cela ne tenait pas seulement au temps, non c’était quelque chose de plus fort, une impression plus tenace qui laissait le sentiment étrange qu’un poids pesait sur vos épaules. Mara serra un peu plus fort son châle sur ses épaules en traversant les rues de Nassau. On osait appeler cela une ville mais ce n’était qu’un odieux repère de pirates. Intérieurement elle pestait contre Leyla qui la forçait malgré elle à marcher seule dans les ruelles à la recherche de sa compagne qui tardait beaucoup trop à rentrer chez elles. Elle aurait pu simplement faire confiance à Leyla et l’attendre mais la simple idée de la savoir seule à une heure aussi tardive à Nassau la rendait folle d’inquiétude. Sans se soucier du ridicule, Mara ouvrait la porte de chaque commerce à la recherche de sa compagne. Avec un soupir de soulagement elle la trouva enfin. C’était bien elle, sa belle dame de la nuit, sa reine fée au tient d’ivoire, aux cheveux sombre comme l’ébène et au regard plus sombre encore. Quelle chance elle avait d’être liée à cette femme si belle. Puis Mara réalisa qu’elle se trouvait dans une taverne et que sa dulcinée n’était pas seule. Un homme. Comment pourrait-il en être autrement après tout? Leyla était d’une grande beauté et le genre de femme qui ne laisse personne indifférent. Elle le savait et elle l’utilisait pour obtenir ce qu’elle voulait.

Mara éprouvait toujours un léger pincement au cœur quand Leyla ramenait des hommes à la maison. Elle avait le sentiment de ne pas lui suffire et c’était douloureux. Certes elle avait compris depuis longtemps que l’importance qu’accordait Leyla aux autres hommes était minime, une lubie passagère pour sentir encore et encore l’euphorie des premiers émois. Mais il restait un goût amère malgré cette certitude. Et après tout elles le faisaient ensemble, elle n’était jamais mise à l’écart. C’était un sacrifice nécessaire pour partager l’existence de Leyla. Ce fut donc avec un sourire qu’elle s’approcha du couple nouvellement formé.  

« Leyla, je me demandais justement où tu pouvais être. Je constate que tu es accompagnée. Puis-je connaître votre nom monsieur?  »

Avec une pointe de jalousie, elle observa la main de l’homme posée sur la hanche délicate de sa compagne et elle imagina sans difficultés ce qu’il ferait ensuite, si Leyla décidait de lui accorder une nuit. Pourvu qu’il soit doux, elle ne supportait pas les emportés et les brusques.