nothing left to say≈ 001. Edward n’a pas eu la chance de connaitre grandement son père. Ce dernier, harponneur sur un baleinier hollandais, partait souvent en expédition dans les eaux froides de l’océan glacial arctique, aux alentours de  l’Islande, afin de traquer les Léviathans marins. Des quelques rares retour de Joshua Rutherford à Plymouth le petit Edward était enthousiaste et fort impatient. Le retour du marin parmi les siens était accompagné d’histoires où se mêlaient les descriptions dantesques des titans marins et superstitions nautiques. Hélas c’est le destin de Jonah qui échu au harponneur qui, tombé par-dessus bord du navire, aurait été happé dans la gueule d’une baleine. L’effroyable nouvelle, bien qu’elle fit s’effondrer Mildred Rutherford de chagrin, attrista Edward mais le conforta dans sa décision de suivre les traces de son père et d’arpenter les mers.  ≈ 002. C’est à l’âge de 15 ans qu’Edward reçut son mandat de midshipman. Aux yeux émerveillés d’un adolescent en phase de réaliser ses rêves le cachet du roi au bas de la missive était symbole de réussite. Affecté à l’HMS Temperance, Edward y fit ses classes assidument et après les années d’apprentissages requises il passa avec succès le test afin d’obtenir le grade de lieutenant. Il a depuis fait un peu de parcours dans les échelons de la marine de Sa Majesté, toutefois la valeur d’un homme ne se mesure pas à son gallon, mais au poids de sa détermination. ≈ 003. A ses heures perdues Edward est un charpentier passionné. Certains, quelque peu moqueur, le railleraient en prétextant que sa ferveur religieuse est telle qu’il s’en est mis à imiter le Christ. Rien n’est plus faux. La plaisir du travail manuel, la satisfaction de transformer un matériau brut en objet fonctionnel, la sensation du bois poli sous la paume, la dévotion minutieuse aux détails, voilà ce qui motive le capitaine de la Navy qui, lorsqu’il n’est pas en mer, s’adonne à son encombrant hobby. Encombrant car les meubles qu’il confectionne l’ont suivi lors de sa nouvelle affectation aux Bahamas. Il est inutile de dire que les cales du Queen Anne étaient bondées. Lorsqu’Isolde était encore dans l’âge de la douce ignorance son père lui sculptait des petites figurines de bois qu’il ne manquait pas de lui offrir lors de ses retours sur le plancher des vaches. ≈ 004. En tant que midshipman il a dû assister aux flagellations punitives que le règlement de la Navy assène aux éléments perturbateurs de l’équipage.  Contre toute attente – et surtout contre les indications du capitaine et ses propres responsabilités en tant qu’officier subalterne – il n’était pas rare de voir Edward aider à panser les plaies des marins au dos déchiqueté. Une attention toute particulière qui lui attira les faveurs de l’équipage dans lequel il servait. Les membres de ce-dernier le baptisèrent même «  Le Samaritain », surnom que l’on utilise encore officieusement pour référer au capitaine du Queen Anne.  ≈ 005. D’un naturel introverti Edward est un homme de peu de mots. Son manque de conversation peut le faire passer pour quelqu’un de froid et de bougon aux yeux de qui ne le connait pas, mais si la parole ne suit pas, le cœur y est. Edward n’en dit pas beaucoup mais n’en pense pas moins, et il en ressent encore pus. Il n’arrive tout simplement pas à extérioriser, de vive voix, ce qui se dit sous son crâne et, par maladresse verbale, est souvent involontairement rude. Il chérit sa fille Isolde plus que tout être au monde pourtant – tout comme avec sa mère – il n’arrive pas à lui témoigner pleinement toute l’affection qu’il éprouve pour elle. Aussi craint-il de ne pas assez montrer ses sentiments à son égard et de refléter une impression de distance. Culpabilité qu’il tente d’apaiser en montrant son affection d’une manière plus matérielle que le corps fantomatiques des paroles : En gâtant Isolde et en cédant à ses demandes. Non pas qu’elle soit capricieuse, ou trop gâtée, mais pour Edward rien n’est de trop pour combler le cœur de sa fille.  ≈ 006. A la suite de la mort de sa femme il a, pendant un temps, effleuré l’idée de devenir pasteur ( étant de confession protestante ) La vocation n’était pas nouvelle (et même incité par feu sa femme ) mais la question de la religion provoquant des débats houleux, voir même parfois des réponses violentes, il jugea inconscient de s’exposer – ou pis, d’exposer Isolde – à un quelconque danger inutile. Si l’on en vient à lui demander «  Êtes-vous chrétien » il répond d’un simple «  Je crois en Dieu. »≈ 007. Alors affecté aux côté du Maître canonnier durant une bataille contre un navire pirate, du temps où il était encore midshipman, il a été grièvement blessé à la jambe. Un boulet de canon adverse ayant percé la carcasse du bateau, laissant derrière lui un trou béant donnant sur le spectacle de poudre et de détonations du dehors, des éclats de bois virevoltèrent dans les airs. L’une des échardes ( qui, au vu de sa taille, n’en était pas réellement une ) se ficha dans sa cuisse. La pointe de l’éclat creusa jusqu’à son nerf. Le chirurgien de bord parvint à retirer l’éclat et minimiser les dégâts. Jusqu’à ce jour Edward garde des traces de la blessure, d’abord sous la forme d’une cicatrice dans la cuisse intérieure gauche, mais aussi parce qu’il éprouve, de temps à autre et à différent degré de douleur, une certaine raideur dans sa jambe. Bien que cela ne l’ait en rien handicapé il n’est pas rare, si l’on y prête attention, de le voir boitiller lorsqu’il sollicite trop sa jambe. ≈ 008. Lorsque l’on est aux Bahamas ( Et même en Angleterre, mais les choses sont d’autant plus révélatrice dans les Caraïbes ) vient la question de l’esclavage. Faut-il l’autorisé ( moralement ou légalement ) ? Considérant que nous sommes tous des créatures de Dieu, Edward désapprouve le traitement infligé aux esclaves. Toutefois la Raison d’Etat prime sur la Raison Personnel ( sauf en ce qui pourrait concerne sa fille ) et le capitaine essaye de s’en reposer à une autre maxime : Connait ta place dans le monde. Si ses convictions ( morales ou religieuse ) sont en désaccord avec le système esclavagiste ce n’est en aucun cas son rôle ( ou même en son pouvoir ) de faire quelque chose contre l’institution de l’esclavage dans son ensemble. Il fait ce qui est à sa portée, à savoir traiter le plus humainement possible les servants qui travaillent pour lui et prier pour ceux qui n’ont pas la chance de pour se posséder eux-mêmes. ≈ 009. " S’il y a bien une chose que j’ai apprise c’est qu’il ne faut surtout pas faire confiance aux Français. Et surtout pas leur faire confiance en ce qui concerne la navigation de leur propre navire. Ils seraient capable de se couler eux-mêmes " ≈ 010. Depuis son arrivé à New Providence Edward se serait épris d’un fruit qu’il trouve exquis et dont il raffole désormais : la mangue.