nothing left to say≈ 001. Si elle n'a jamais travaillé, Margherita ne peut passer plus de quelques minutes installée confortablement dans un sofa, sans rien faire d'autre que se languir de ses proches. Même avant la mort de son mari, elle avait l'habitude de se trouver mille activités à faire, et maintenant il lui arrive même de faire le marché avec une servante pour s'occuper. Cependant, les hobbys calmes lui donnent des nausées, vous ne la verrez jamais coudre ou lire de la poésie dans son jardin. Elle préfère le cultiver et avoir les mains dans la terre plutôt que dans l'encre d'un écrivain mort. ≈ 002. Pourtant, elle est instruite. On lui a appris à lire, à écrire, on lui a enseigné des notions qu'elle n'a pas perdues, mais le seul livre qu'elle peut encore ouvrir est la bible. En effet, Meg est très croyante, elle va à l’Église chaque dimanche, prie chaque soir, pour chaque repas donné. Elle essaie ainsi de protéger ceux-là qui sont demeurés près d'elle, à sa manière. Son frère a après tout bien besoin d'une prière pour protection. Et puis peut-être qu'un livre saint protège de la poudre à canon. C'est du moins ce qu'à toujours espéré l'aînée Romero. ≈ 003. Elle excelle dans la préparation du thé, en bonne petite anglaise qui se respecte, mais c'est une tâche assez peu aisée maintenant qu'il lui arrive de trembler. La vieillesse diront certaines commères, Meg sait que ce n'est pas le cas. Alors elle préfère oublier, et se faire faire préparer sa tasse de thé lorsqu'elle n'est plus seule. Elle peut se le permettre, après tout. ≈ 004. Depuis toujours, son mari avait l'habitude de garder un pistolet dans leur chambre, un reflex de soldat, peut-être, sa femme n'en savait rien. Tout ce qu'elle sait, c'est qu'elle l'a encore. L'habitude comme le pistolet, qui est venu en New Providence avec eux, et qui reste avec elle. ≈ 005. Si elle est une femme aristocrate et qu'elle a toujours fait honneur à son rang de simple épouse, aujourd'hui ce n'est plus le cas. Elle est veuve, certes, et demeure toujours une femme, cependant elle possède un fils, et un frère pour la protéger, et surtout elle est à South Hamilton depuis des années. C'est elle qui porte le nom de sa famille, ici. Et elle le porte la tête haute, sans sourciller. Comprenez par-là que Meg ne se laissera pas écraser. Par un pirate, un bourgeois ou qui que ce soit d'autre.  On pourrait même dire d'elle qu'elle se montre parfois arrogante, vis-à-vis de ces gens-là. Mais après tout, chacun à son masque de cour. ≈ 006. Depuis le décès de ce qui aurait du être sa fille, morte en couche, elle a une certaine aversion pour les bambins de genre féminin, comme s'ils lui rappelaient tous son enfant perdu, ce qui est idiot elle le conçoit, mais surtout insupportable pour elle qui comprend ses maux et qui essaie de leur tordre le cou. Aux origines déjà elle n'est pas très familière avec les femmes, qui lui ont toujours apparu comme bien plus viles que les hommes, plus fourbes. Elle a tout de même fini par comprendre qu'elles se devaient de l'être, au fil des années. ≈ 007. Elle n'aime pas vraiment les animaux, peut-être que son penchant pour l'être humain a trop pris le dessus et l'empêche de ressentir de l'affection pour une simple bestiole dépourvue d'esprit - quoique certaines semblent en avoir bien plus  parfois que ses pairs. Le seul animal qu'elle a pu tolérer à ce jour est son vieux chat angora, qui a été nommé Slum par son fils lors de son enfance, alors qu'il ne possédait aucun nom auparavant. Elle n'a jamais compris pourquoi ce mot en particulier, peut-être est-ce à cause de son air rachitique dû à sa vieillesse. ≈ 008. Bien que son père ait toujours mis un point d'honneur à ce que les Romero se montre comme de bons et véritables anglais, Margherita a un accent espagnol plutôt prononcé, peut-être à cause de sa grand-mère qu'elle a côtoyé lorsqu'elle n'était qu'une enfant, et qui avait encore le soleil dans les yeux, sur la peau, dans le timbre de sa belle voix de mezzo-soprano. Elle lui a offert cet héritage, alors que son frère n'en a eu que les bribes. Un héritage qui énervait son géniteur mais qui ne l'a pas empêché de la marier. ≈ 009. L'océan ne lui est pas familier, et de ce fait il la fascine comme il peut la débecter. Son voyage en navire jusqu'en New Providence a été particulièrement éprouvant, et nombreuses fois son mari est parti sur l'étendue bleutée pour des missions, qui ont souvent essayé de ravir son essence vitale. Elle aime l'observer se mouvoir calmement, mais à peu près tout ce qui peut réellement se trouver là dedans l'effraie, sauf les légendes, bien entendu, puisqu'elles n'existent pas. L'ironie du sort veut qu'elle soit née sur une île et qu'elle ait quittée cette dernière pour en rejoindre une autre. ≈ 010. Autrefois elle dansait, lorsqu'elle était encore jeune, lorsqu'on la voyait encore. Maintenant, et bien elle danse encore. Mais pour elle-même cette fois. Il lui arrive de tournoyer dans ses appartements privés, lorsque personne n'est là pour la regarder, et elle peut le dire sans hésiter : elle ne s'est jamais autant amusée maintenant qu'on ne la dévore plus des yeux.